mercredi 1 juillet 2009

Fenêtre[s] sur Londres


À vous tous qui me suivez régulièrement sur ce blogue, je tiens à vous remercier pour vos commentaires (sur blogger et sur Facebook) depuis que je tiens mes petites chroniques en décembre dernier. J'apprend de très nombreuses choses lorsque vous m'écrivez et j'adore cet aspect de mon travail car, lorsque j'ai commencé à faire de la bande dessinée, nous devions attendre la sortie du livre pour recevoir des commentaires. Nous devions alors ajuster notre travail au projet suivant c'est-à-dire plusieurs mois ou années après la sortie d'un livre. Avec l'échange constant que permet le blogue, je peux ajuster mon travail à la planche suivante au jour le jour...

Une excellente nouvelle : à compter de demain, je tiendrai pour les six prochains mois mon blogue intitulé «Fenêtre[s] sur Londres» sur www.voir.ca/blogues sous la section «livres». L'idée originale est de la rédactrice en chef de Voir Gatineau-Ottawa, Mélissa Proulx. Je vous invite à continuer de suivre les progressions de «Cœurs d'Argile» sur ce blogue et à m'envoyer vos messages que je lirai avec une grande attention. Vous pourrez également suivre mes découvertes londoniennes sur le même blogue.

Si vous voulez en savoir plus, à compter de jeudi (demain), vous pourrez cliquer sur le communiqué vers ce lien. Je continuerai toutefois à animer le blogue de la collection «souches» que je dirige au Studio coopératif Premières Lignes. Merci de me nourrir par votre intérêt envers mon travail!

Sur la photo, il s'agit d'un scan que mon ami Raymond Ouimet a fait du négatif que j'ai trouvé dans la maison et qui montre Lionel Quesnel dans la vingtaine.

En route pour la Gaspésie V - suite et fin



Lundi 20 juillet 1925
Après un bon sommeil réparateur, on se lève assez tard réveillés par la chaleur car le soleil surplombait notre campe depuis longtemps.

Encore aujourd’hui, on va à la pêche sur la mer. La morue est rare. Cependant on a dû en prendre quelques cent livres. On pêche dans 75 Brasses d’eau (environ 450 pieds) et M. Montreuil nous pêche une morue entre autres de quelques vingt-cinq livres. Tant qu’à moi, je ne me soucie guère de la pêche active étant indisposé par la mer quoique calme.

Et à cela je sais que je ne serais pas un bon marin car à chaque fois que je vais à la mer, je suis pris d’une hâte de remettre le pied sur la terre ferme au plus tôt. On revient vers midi et on a prit une intéressante photo (sur laquelle je figure avec la grosse morue de M. Montreuil).

On assiste ensuite à la préparation de la morue avant de la mettre dans la saumure. Ceci est aussi une démonstration de l’habileté avec laquelle ces pêcheurs manient le poignard.

Ce midi, pour nous remonter un peu l’estomac, on va dîner à l’hôtel car il devient monotone de toujours manger vite et froid à la campe.

Cet après-midi, j’ai le plaisir de connaître un bon vieux du village M. Alexis Dufresne. M. Le vicaire était allé coucher et mangé là. Ce monsieur tout gentil qu’il est, nous amène chez lui pour jaser et connaître sa famille.

Ce soir, on lève notre tente et on se prépare pour se rendre à S. Anne des Monts en bateau. On se rend au quai avec ami et bagage et nous devions partir vers 2 heures du matin. Ce fameux bateau tarde tellement à arriver que nous passons la nuit tous les quatre assis dans l’automobile.

Avez-vous déjà passé une nuit entière assis dans une auto? C’est très peu intéressant et d’autant plus fatiguant.

Mardi 21 juillet 1925
Enfin le jour paraît et on descend de l’auto pour se délasser. Mais inutile de répéter que nous sommes fatigués et sans entrain.

Eugène et M. le vicaire font connaissance d’un brave cultivateur résidant non loin du village. On est invité pour aller prendre là un dîner au maquereau ce que nous acceptons sans hésitation ayant à peu près pas déjeuné.

Toujours grâce à M. le vicaire, on est reçut au bon maquereau frais. C’est un très bon poisson. Après avoir bien mangé, voyant qu’on a l’air fatigué, on nous offre d’aller nous reposer ce que nous ne refusons pas et nous dormons à poings fermés jusqu’à cinq heures.

Durant ce temps, notre fameux bateau «Gaspésia» es passé. Mais ce n’est que partie remise car on en a un autre à soir. On l’attendait d’abord à minuit mais la même nuit que la précédente nous est réservée.

Ce fût un peu plus facile qu’hier, car on veille tous chez M. Narcisse Dufresne. Ce soir-là se passa bien. On fit du violon, du chant et de la danse rustique. On voit les choses dont s’amuse la jeunesse. Avec une franche gaieté, on s'amuse tous à la maison paternelle.

Et puis pour revenir à notre bateau, on se rend au quai vers minuit. La nuit entière se passe sans que le dit bateau donne signe de présence. On est fatigué, transi, engourdis et de mauvaise humeur.

Mercredi 22 juillet 1925
Quelques soient les circonstances, on mange ensemble quelques sandwichs à homard et on attend toujours.

Un autre monsieur devant prendre le même bateau que nous, avec son auto passa la nuit à la belle étoile ainsi que sa dame.

Et pour empirer l’histoire on aura appris que ledit bateau a fort bien pu passer tout droit durant la nuit à cause d’un épais brouillard arriva par la mer. On ne sait que faire. Notre bon Dufresne chez qui nous avons veillé un soir est venu au quai pour nous ammener déjeûner et nous reposer chez lui. Fatigués d’avoir de tels contretemps, on obéit à ce brave monsieur et on dort presque jusqu'à l’heure du midi ou finir le plat le temps se couvre et il est fort probable qu’on va se faire tremper.

Notre incursion à Rivière aux Renards est pratiquement terminée et le temps est venu de nous diriger vers notre «chez nous».

Nous nous reposons jusqu'à presque midi. Madame Dufresne nous sert dîner au maquereau bouilli et après convaincu et payé ces bonnes gens, on décide de s’en revenir car le chemin que nous entreprenons sera long.

Le temps est bas, mais il ne pleut pas encore. On laisse la Rivière-aux-Renards à une heure tous contents de nous rapprocher de notre «chez nous». On arrête au garage de Gaspé pour faire inspecter notre automobile, mais on s’y alla inutilement.

Le Monsieur Dufresne qui a veillé sur le quai avec nous la nuit dernière pour prendre le bateau a décidé de se rendre à Rimouski par voiture avec nous. À bord, nous ne nous éloignons pas et causa bien. Notre nouveau compagnon nous rend de grands services en nous enseignant un nouveau chemin (le chemin «Lemieux» nouvellement construit) pour éviter les capis (?????) de Percé ça passe très bien. Pas une côte. Pas de précipice. C’est bien différent du chemin de l’enfer par lequel nous sommes venus. Nous sommes biens soulagés car c’était pour nous un cauchemar que de repasser par le chemin épouvantable que nous avions prit pour venir.

On soupe à la hâte dans une maison de pension à Barachois et on veut faire du chemin avant de Compel. Il nous faut nous servir des lumières de l’auto malgré la faiblesse des batteries car la noirceur est vite venue. Nous nous rendons chez un M. Caron que notre compagnon connaît. Il était bien tard pour lever la tente alors on demande pour coucher sur la paille dans une grange mais on nous fait coucher à la maison dans de bons lits ce qui ne manque pas de nous plaire car tel que déjà dit, ça fait deux nuits qu’on ne dort pas. Notre ami Eugène est le premier à fermer l’œil et on le suit de près. Pas besoin de nous faire bercer pour dormir. Durant la nuit, nous avons une bonne orage mais les chemins sont vite séchés par le vent et le soleil.

Jeudi 23 juillet 1925
Eugène nous réveille à 7 heures. J’aurais dormi encore un peu. Mais il faut partir. Nous déjeunons et sans plus de cérémonie, après avoir remercié notre bon hospitalier nous filons.

Nous laissons un foyer qui vit naître onze enfants et qui donna à Dieu trois prêtres et quatre religieuses. N’est-ce pas que c’est sublime? La mère accepta bravement le sacrifice que lui demande le bon Dieu è en juger par son énergie qui est bonne figure. Je suis des plus touché de rencontrer de belles familles un peu partout sur notre route.

Nous nous en allons à Chandler pour voir à la réparation de notre machine et nous allons saluer les bonnes Sœurs Thomas et Éphigénie . Elles nous invitent à dîner ce que nous acceptons avec empressement. Nous visitons l’hôpital et nous admirons le site, la propriété et aussi la cordialité des religieuses. Il fait toujours bon de se voir comme chez soi un peu partout alors que nous sommes loin de notre foyer. Ceci est du à notre Monsieur le Vicaire qui partout est le bienvenu, car on traverse une région tout à fait catholique.

La ville de Chandler n’est pas comparable à notre beau village natal. Il y a une population d’à peu près 1 500. Le gagne-pain principal est un moulin à pulpe.

On y déplore le dépeuplement un peu à tous les ans. Les Etats-Unis et les grandes villes attirent une grande partie de la jeune population.

On passe une grande partie de l’après-midi au garage et notre compagnon Monsieur Dufresne a la patience d’attendre après nous.

Nous venons coucher à quelques 35 milles plus haut. On y monte la tente à la hâte et on a juste le temps de se mettre à l’abri pour éviter une bonne tempête que nous voyons venir. Nous entendons gronder le tonnerre au loin et je pressens que la tempête passe peut-être fort chez nous. M. Dufresne et Caron ont couché à la tente avec nous tandis que Madame Dufresne se retire dans le village.

On soupe assez tard et ensuite, après avoir été rendu visite à des employés du chemin de fer près desquels nous étions tentés, ont fait notre nid pour la nuit.

Inutile de dire que nous oublions vite nos parents et amis.


Vendredi 24 juillet 1925
À six heures, notre «curé» nous tire de notre profond sommeil. Nos deux compagnons semblent un brin reposé. Près un substantiel déjeuner on empaquète tout.

Sommes quelque peu retardés au village où Madame était allé à la messe. J’en profite pour aller moi aussi pour une petite prière à l’église remercier le Seigneur de nous épargner tout accident durant notre voyage. Nous nous remettons en marche pour tout de bon à huit heures.

Nous rencontrons des chemins plus ou moins trempés par l’orage d’hier soir qui a été plus forte à des places qu’à d’autres. Nous ne pouvons ainsi faire une grande distance et il faut aller tranquillement. Notre bon Monsieur Dufresne est avec nous, soit qu’il nous suive ou que nous le suivons de près. On tente à deux pour se rendre à Saint-Omer où notre cuisinier nous a promis un banquet au saumon frais. Nous nous y rendons 1 ½ heures et on prépare vitement le dîner car tous ont faim. Les uns pèlent les patates, les autres mettent la table aidés du cuisinier de la Cie de bois du N.-B. lequel cuisinier gracieusement met sa cuisine à notre disposition.

Tous font honneur au plat du saumon, et le cuisinier reçoit des félicitations bien méritées. On fait faire la digestion en parcourant le bord de mer pour y trouver quelques spécimens de pierres rares pour nous. Nous en trouvons en effet et avec ceux que nous apportons de la Rivière-au-Renards, nous pouvons tous ensemble former une belle collection.

On se remet en route après s’être bien régalé et délassé. Nos deux autos ne se distancent pas beaucoup. On arrive assez tard à la traverse de Campbellton comme on s’est amusé assez longtemps à Saint-Omer.

Après avoir traversé, on s’informe des chemins pour Rivière-du-Loup par le Nouveau-Brunswick. On nous assure qu’il faut aller passer par là pour avoir de beaux chemins, et ceci nous allonge d’au dela de nos prévisions. Nous en sommes fort désapointés surtout moi qui espérait être à Québec dimanche. Après avoir discuté la chose, je décide d’embarquer avec Monsieur Dufresne qui passe par la vallée de Matapédia. Mes gens tiennent beaucoup à visiter le Nouveau-Brunswick.

(Note : malheureusement, le dernier paragraphe du journal a subit des dégâts considérables et il est indéchiffrable pour l'instant. L'ensmeble du journal donne quand même des informations intéressantes sur la vie des gens en Gaspésie à cette époque.)

Photo du haut : Seule photographie prise par Napoléon Montreuil du voyage où on aperçoit Lionel Quesnel (penché).
2e photo : Carte mortuaire d'Eugène Séguin, le compagnon «ronfleur» du voyage (Musée des pionniers de Sant-André-Avellin).